le trésor du colibri 33
saadia
à l'instant, je regardais "chàbada" sur FR2; était invité enrico
macias, avec des chanteurs connus ou pas, jeunes ou pas, partageant son
dernier album...
lorsqu'il s'est mis à chanter avec khaled, le soleil qui s'échappait
de leurs voix associées m'a rappelé les années fac avec saadia, la
marocaine.
saadia, 6ième d'une famille de 7 enfants était la seule de la famille
à être venue en france, poursuivre ses études après le bac.elle nous
parlait de son enfance, de ses frères et sœurs et du soleil marocain qui
rendait les enfants moins tristes qu'en france.
le verger du voisin
le voisin avait un verger d'orangers, et devait s'absenter quelques
jours de chez lui; il savait la filouterie des gamins du quartier...
enfin, euh... peut-être de plus loin aussi... qui venait lui piquer ses
oranges.
ayant la plus grande confiance des plus proches, il leur demanda de surveiller, pendant son absence.
... "tu peux compter sur nous!".
ils se sont répartis, grimpés bien cachés dans les arbres, les poches
pleines de cailloux... prêts à affronter les intrus; ceci dit, en
passant, lichous eux mêmes, ils ne se sont pas gênés... iiiiiiiiiiiiii
et lorsque les "autres" sont arrivés: "à l'atttaaaaaaqquueeee!!!!"
et c'est tout fiers qu'il ont raconté (enfin, juste ce qu'il fallait) au retour du maître des lieux, leur vaillante prouesse.
la sieste
au maroc, normal, l'après-midi d'été, il fait chaud... donc, sieste obligatoire pour les enfants; au lit 13h30... réveil à 16h.
sauf que, ce qu'ils cachaient à la maman, c'est qu'à 13h50, il
étaient debout de retour... faire les 400 coups... s'arrangeant pour
être au lit de retour vers 15h 40.
les études au lycée
à l'époque, les jeunes marocains parlaient essentiellement l'arabe à la maison et dans les cours de récréation; le
roi avait donc établi un partenariat avec la france, embauchant des
enseignants français dans les lycées; quelque soit le cours, il était
enseigné dans la langue du professeur, ce qui permettait aux élèves de
se familiariser en douceur avec la langue de molière.
pour saadia, l'arrivée en france fût tout de même difficile; alors
qu'elle parlait bien le français, elle avait du mal à nous comprendre...
enfin, on allait un peu vite.
au niveau de la fac, c'était prévu... une année d'adaptation à la langue pour tout étranger.
l'arrivée en france
arrivée à brest..." woaw, que c'est beau!"... du vert des pelouses,
des fleurs qu'elle n'avait jamais vu, aux vitrines des magasins...
saadia était émerveillée par tout ce qu'elle voyait...
... pas longtemps, ma foi... le gris des immeubles, les gens qui ne
sourient pas, les portes de la cité U qui claquent et se verrouillent,
les voitures qui accélèrent, la nuit venue, pour grimper la rue d'à
côté....
c'est clair que brest... c'est pas casa blanca.
heureusement, saadia était miss pipelette... et s'est très vite faite des ami(e)s.
décalage horaire... à non! annuel
comme toutes les occasions sont bonnes... chaque année, en décembre,
il était hors de question d'oublier l'anniversaire de saadia;
elle était plus âgée que nous, mais pas tant qu'elle le disait: née
en 1958, pour compter son âge, elle disait: "58.59.60.61...." et disait
donc toujours avoir un an plus que la réalité.
le ramadan
S: "si j'avais été chez moi, je l'aurais fait, comme le reste de la
famille... mais, ici, non; en plus en période d'examen, pas question!!!"
habillée "class"
saadia était toujours bien habillée, bien coiffée, talons et tout, et
tout... alors que nous, on était habillées en "tous les jours";
de temps en temps, on allait en ville, faire les magasins, acheter un
joli vêtement... et elle ne comprenait pas qu'on ait les vêtements pour
aller en cours, et les vêtements pour les sorties.
je sais qu'aujourd'hui, le principe peut également sembler étrange
aux jeunes, mais c'était comme cela dans les années 80; surtout pour les
"non citadins".
l'argent
perso, et comme mes collègues qui étaient en cité U, nous étions
boursières; donc, même si nos familles n'étaient pas fortunées, on
pouvait tranquillement faire des études supérieures.
saadia avait une petite bourse du maroc; ses parents lui payaient le
trajet pour venir en france... mais n'avaient pas idée du prix des
choses ici.
saadia était très juste, trop juste, venait rarement au RU,
s'alimentait presqu'exclusivement de nouilles... et n"osait pas demander
plus à ses parents.
elle avait tout de même la brillante ressource pour mener une vie la
plus normale et souriante possible; elle savait qu'elle aurait toujours
pu compter sur ses amies.
saadia a aujourd'hui 54 ans... je sais que si on venait à se
retrouver, c'est des larmes pleins les yeux... qu'on se jetterait dans
les bras.